L'Université Concordia continue d'essuyer les critiques après avoir publié une étude favorable à l'amiante rédigée par un chargé de cours lié à cette industrie.

Concordia admet que les liens entre l'auteur et l'industrie auraient dû être divulgués et a retiré l'étude de son site web, mais l'université refuse de s'en distancier publiquement. L'auteur, John Aylen, y enseigne toujours.

Un groupe de 12 experts, incluant plusieurs médecins québécois en santé publique, jugent cette réaction insuffisante. Selon eux, Concordia fait preuve d'« irresponsabilité » et d'un « manque d'éthique » dans cette histoire.

« Ce qui se passe n'est tout simplement pas digne d'une université canadienne », dit Kathleen Ruff, conseillère principale en matière de droits de la personne à l'Institut Rideau, à Ottawa, qui parle au nom du groupe.

UNE ÉTUDE CONTROVERSÉE

L'étude qui suscite la controverse est intitulée « Leçons tirées de l'industrie de l'amiante au Québec : peut-il y avoir un dialogue constructif et un consensus quand les faits s'opposent aux sentiments ? ».

Elle a été commandée par le Centre d'excellence Luc-Beauregard de recherche en communication de l'Université Concordia.

L'auteur, John Aylen, s'y penche sur la fermeture de la mine d'amiante québécoise Jeffrey, en 2012. Il conclut que dans ce cas, les opposants à l'amiante ont joué sur les sentiments au détriment de la science.

« Ce document montre clairement que les faits ne peuvent pas l'emporter sur les sentiments quand il s'agit de contrôler l'opinion publique », souligne John Aylen, auteur de l'étude.

M. Aylen fait fi du consensus scientifique sur les dangers de l'amiante, martelé autant par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) que l'Institut national de santé publique du Québec.

En plus d'être chargé de cours à Concordia, M. Aylen dirige une firme de communications qui a compté l'industrie de l'amiante parmi ses clients. Il a déjà signé des textes dans les journaux en tant que « porte-parole de la Mine Jeffrey ».

MESURES « INSUFFISANTES »

L'Université Concordia dit avoir mené une « enquête » qui l'a conduite à retirer le rapport de son site web et à « prendre les mesures appropriées pour qu'une telle situation ne se reproduise plus ». Mais cela ne suffit pas aux yeux des 12 signataires de la lettre envoyée cette semaine au recteur et vice-chancelier de l'établissement, Alan Shepard.

« Il n'est pas suffisant pour Concordia de cesser de faire la promotion de ce rapport en le retirant de son site web. Ce rapport a été diffusé dans des conférences, des gens l'ont téléchargé. Il s'agit toujours d'un rapport officiel de l'Université Concordia, imprimé avec son entête », dit Kathleen Ruff.

Selon elle, l'université devrait le rejeter publiquement.

« C'est le standard normal, c'est ce que font les publications scientifiques et les institutions quand elles constatent un problème », dit-elle.

Selon les signataires, Concordia devrait d'autant plus se distancier du rapport qu'il contient à leurs yeux des informations « dangereuses », notamment parce qu'elle affirme que l'amiante peut être utilisé de façon sécuritaire.

« Nous ne croyons pas qu'une déclaration publique soit nécessaire », répond Christine Mota, porte-parole de Concordia.

L'université a admis que des problèmes de « divulgation d'intérêt » sont survenus dans ce cas, mais n'a pas voulu dire si elle estime que le rapport contient des informations erronées.